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Interview de Daniel Reuter, ING Luxembourg

14 janvier 2014

1 - Selon la BCL, les banques luxembourgeoises sont fortement exposées au risque sur le marché immobilier résidentiel avec une quotité d'emprunt élevée allant parfois jusqu'à 100% pour certains crédits octroyés.
Etes-vous favorable à un durcissement de la règlementation?

 
La crise à laquelle nous devons actuellement faire face a trouvé son origine dans le secteur immobilier et nous a montré comment des dérapages sur un marché local peuvent mettre en péril l'économie mondiale, du fait de l'effet boule de neige.
Le Luxembourg, bien qu'il s'en soit assez bien sorti jusqu'à présent, ne peut rester indifférent à ce qui se passe ailleurs dans le monde et vu l'impact de la mondialisation, le pays n'est pas à l'abri d'un choc externe.
Ceci dit, une politique plus prudentielle de la part des banques en matière d'octroi de crédit ne fait que refléter le contexte économique actuel, qui demeure difficile. 
A cela s'ajoute un deuxième phénomène qui est l'intervention plus importante aujourd'hui du régulateur et des autorités de contrôle qui ont mis en place des codes de bonne conduite et des règles destinés à éviter des dérapages futurs.
Ceci a logiquement comme conséquence que les banques disposent aujourd'hui d'un peu moins d'autonomie que par le passé dans la façon dont elles opèrent.
Selon moi, un durcissement de la règlementation était inévitable afin de remettre l'économie sur les rails et surtout afin d'éviter qu'à l'avenir, les erreurs des uns puissent impacter le bien-être des autres.
 
2 - Si un apport conséquent devient une condition indispensable à l'obtention d'un prêt, quelles peuvent être les conséquences sur le marché immobilier?

 
L'exigence d'un apport personnel n'a jamais complètement été abandonnée par les banques. Cependant, il faut admettre que l'évolution du marché immobilier et le jeu de la concurrence ont fait en sorte qu'à un certain moment, les banques ont peut-être été un peu moins rigoureuses.
Aujourd'hui, on constate plutôt un retour aux bonnes pratiques, car quand j'ai commencé par carrière bancaire il y a un peu plus de 15 ans, un apport de 20 % de fonds propres constituait la norme.
Le marché devra s'adapter et je suis persuadé qu'il réussira à le faire. Le consommateur devra changer ses habitudes, ce ne sera plus le « tout, tout de suite », mais il devra se fixer des priorités.
Comme le Luxembourgeois « a une brique dans le ventre »et que se loger est un besoin primaire, je ne pense pas qu'il y aura des conséquences néfastes sur le marché immobilier.
Par contre, l'acheteur devra éventuellement revoir ses ambitions à la baisse lors d'un achat immobilier, notamment concernant la taille du bien à acquérir.
 
3 - L'épargne logement constitue t- elle une bonne alternative au financement classique?

 
Effectivement, l'épargne logement constitue une excellente alternative à un financement classique. En dehors d'un traitement fiscal favorable, le grand avantage de cette formule réside dans le fait qu'après signature du contrat, les conditions de taux sont fixées une fois pour toute. Aujourd'hui, cette formule permet de profiter des taux d'intérêt actuellement très bas tout en se mettant à l'abri d'une éventuelle hausse future. Seul petit bémol, la charge mensuelle de départ d'un tel contrat est souvent supérieure à celle d'un financement « classique ».
 
4 - Quels conseils pour ceux qui envisagent d'avoir recours à un crédit relais ?
 
L'objectif d'un crédit relais est le plus souvent de combler un gap de trésorerie et le remboursement de ce même crédit lié à la vente d'un actif immobilier. D'un côté, il y a donc une dette certaine face à un produit futur incertain. Le plus grand risque est donc lié à la réalisation de l'actif immobilier et plus particulièrement la valorisation de celui-ci. Dans la pratique, nous constatons que les gens ont tendance à surévaluer la valeur du bien à céder, voire omettent de prévoir une marge de sécurité. Ceci a comme fâcheuse conséquence que l'éventuel solde du crédit relais découlant de la vente du bien, devra être converti en crédit long terme à remboursement mensuel. Cela affectera donc la situation financière du client à long terme. Afin d'éviter de tomber dans ce piège, il convient de demander l'avis d'un ou plusieurs professionnels : n'oublions pas en effet que la cession d'un immeuble revêt parfois un caractère émotionnel et il n'est dès lors pas facile d'évaluer de manière objective son propre bien à vendre. 
 
5- L'assurance solde restant dû est-elle obligatoire? Quels sont les avantages d'une telle souscription?
 
L'assurance solde restant dû doit avant tout être considérée comme une protection du client avant d'être considérée comme une exigence en termes de couverture de la part du banquier.
Son principal objectif est d'assurer le remboursement du crédit  en cas de décès ou d'invalidité de l'assuré, donc in fine de limiter le risque de perte du logement liée aux aléas de la vie.
C'est avant tout ce dernier risque que le banquier responsable va chercher à couvrir et donc influencer sa décision si oui ou non la souscription à cette assurance sera obligatoire
A côté de son aspect « protection », cette assurance peut également être déductible fiscalement, suivant certaines dispositions de la loi. Ainsi, il existe par exemple un abattement spécifique lié à l'assurance solde restant dû, dans le cas où cette dernière est payée sous forme de prime unique. 
 
6 - Face à la baisse des taux de rendement des produits financiers, pensez-vous que les investisseurs se tourneront davantage vers l'achat de biens immobiliers destinés à la location?
 

Comme je l'ai déjà mentionné, les Luxembourgeois adorent la brique. Suivant une enquête que nous avons menéerécemment sur le crédit logement, tant les propriétaires queles locataires au Grand-Duché continuent à considérer l'investissement dans l'immobilier comme un bon placement à long terme (locataires à 72% et propriétaires à 83%)
Il n'est dès lors pas surprenant que, dans un contexte où les taux sont au plus bas alors que les prix de l'immobilier continuent à augmenter malgré la crise, les investisseurs recherchent d'autres opportunités de placement. Et il est vrai que nous rencontrons régulièrement des demandes liées à ce contexte ! L'évolution démographique du pays et le besoin en logements qui en ressort sont des argumentssupplémentaires pour opter pour ce type de placement.

Monsieur Daniel Reuter, Head of Retail Lending & Companies chez ING Luxembourg.

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